Posts in Brigitte
La photo oubliée

Pendant de longues années, cette boîte en carton vert marbré, fermée par un ruban noir, demeura sur un coin de la cheminée. Je finis par l’oublier au fil des mois, par oublier pourquoi elle était posée là, presque tristement. Par la voir sans la voir. Une présence absente. La présence compacte d’une absente, Jeanne. Je n’avais jamais ouvert cette boîte depuis le départ de ma grand-mère, Jeanne. C’était son legs, son bric-à-brac, le chuchotement d’une voix familière et lointaine au creux de mon oreille ; un léger battement de cil, fermer les yeux sur les souvenirs qu’elle avait capturés pour moi, sa petite-fille Elsa. Elle avait écrit mon nom d’une main tremblotante sur une vieille étiquette jaunie, collée là, au centre de la boîte, très légèrement de travers. Et puis une date, juin 1985, quelques mois avant sa chute.

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A Francis & Mané

On ne compte plus les années

Les enfants sont grands

Les saisons se ressemblent, parfums d’été

Du bois à couper, des framboises à cueillir

Les arbres de Noël sont devenus géants

Les petits enfants n’en finissent pas de grandir

 

Bien sûr, Il y des petites rides au coin des yeux

Un dos un peu voûté, le genou se rebelle

Contre les années, il y a ceux et celles

Qui les ont quittés, photos, lettres à l’encre bleue

Ceux qui passent au loin, en hivers ou en été 

On ne compte plus les années

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Snow Storm

C’était un matin vif et glacé. Elisa, emmitouflée, les yeux à demi fermés, marchait en sautillant jusqu’à la gare, en respirant à petites bouffées pour empêcher le froid d’envahir ses poumons. Les rayons du jour qui s’annonçait diluaient lentement la nuit bleutée. 

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Pixels


It was like a breath of fresh air. The smell of youth, oxygen pixels, a movie she had seen so many time but that she loved, time after time.  

There was nothing nostalgic or sad as she was browsing, head titled, weaving the moments, the season, the years, the homes where they lived, the countries where they had moved to.

Most she remembered easily, prompted by the images. But sometimes she would look at strangers, a place she had no recollection of. It was often sunny on the photos and they were leafs on the trees, flowers in the gardens. A string of summers, vacations, travels with seas and rivers and mountains and castles and statues in parks and on fountains, bas reliefs on the building. She would smell the summer air, the scent of the garden flowers, the iodine breeze of the ocean.

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Rainy Days

The rain had not stopped for days. Luke slept better on rainy days, window wide open. The regular soothing noise, the soft moisture in the air. In his lung and eyes. 

He would forget his umbrella in places he could not remember. Offices and homes and shops may be. They all looked the same. His hair would curl slightly, little unruly hair on his temple. He had curly hair when he was a baby.

It had never occurred to him before that the rain made him look different. His wife Elisa would tell him: "You look different". She did not know why.

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Bipolar

Joy and sadness were inseparable. One would follow the other at some incredible pace. She would beam, laugh, talk without stopping, marvel at small things and hug us tight... we loved her most in those moments, she was fun and playful, our mother and best friend. She would chase us in the garden and in the streets in her sleeping gown, hair wild, eyes bright and mischievous. We would scream and run in front her her. Never mind the neighbours looking at us through their window, the old lady in the house with the red door nodding her head with contempt...we were happy and free and she was the most wonderful mum on earth. 

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N’habite plus à l’adresse indiquée

Partir. Fermer la porte. Glisser les clefs dans la boîte aux lettres. Descendre la rue jusqu’au métro. Je ne peux me résoudre à quitter cet endroit, pourtant trop petit, bruyant, mal situé.

Mon pas résonne dans les pièces vides.

Je circule de pièces en pièces. Je revois ma première visite. Cette enfilade de pièces qui m’avaient semblées vastes. Mon imagination qui dessinait l’emplacement de chaque meuble, de chaque objet. Puis, le soir venu, mes trous de mémoire qui me faisait douter de l’emplacement d’une cheminée, d’une porte ou d’une fenêtre.

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Woodwork

After all those years, his hands have never betrayed him. They firmly caresse the pieces of wood, gage its hardness. He checks for imperfections, rugosities and cracks. He welcomes them, anticipates the meeting shapes they will draw on his creations. He designs around them. Under his hands, they become embroideries, vigorous veins, mysterious maps on the wood. 

 

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Room 27: Maria

Maria always chooses Room 27 when she visits her dad.  For a long time, I assumed that her Dad could not host her. Maybe his flat or house was too small. But I understood after listening to a couple of conversations over the phone that Maria's dad was married with someone who did not want to meet his children.

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L’absente en ré mineur

“Softly, in the dusk, a woman is singing to me;
Taking me back down the vista of years, till I see
A child sitting under the piano, in the boom of the tingling strings
And pressing the small, poised feet of a mother who smiles as she sings.”  D.H Lawrence, Piano (1, 1-4)

« Ben, Ben, réveille-toi…réveille-toi ». Emilie chantait doucement dans l’oreille de Ben, une main posée sur son ventre. Ben se retourna en grognant. C’était le milieu de la nuit, une nuit d’été moite et sans lune.

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Le Chevalier à Lunettes

Joseph est méconnaissable sous son armure étincelante de chevalier et cette idée l’enchante. Passer devant la maison de Mme Robert la voisine sans avoir besoin de dire bonjour. Descendre le petit chemin de l’école, d’un pas lourd, en faisant trembler la terre sous ses pieds tout en tenant fièrement Zénon en laisse. Il sent tous les regards braqués sur lui. Les femmes sur le pas de leurs portes, effrayées, rappellent leurs enfants et se calfeutrent à l’intérieur de leurs maisons en attendant que Joseph soit passé.

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